Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/310

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ni s’empêcher d’admirer ce dévouement inouï et cette affection sans bornes.

Elle n’avait rien dissimulé, et avait redit avec une entière franchise toutes les circonstances de son rêve, son mariage avec l’aveugle, tout ce qu’elle avait promis à celui-ci, tout ce qu’elle voulait faire pour adoucir sa triste existence ; elle avait répété aussi toutes les paroles de Jean et tout ce qu’il s’était promis de faire si, par la bonté de Dieu, il venait à recouvrer la vue.

L’émouvant récit avait duré longtemps, bien que le vieillard ne l’eût interrompu que par de simples questions.

Lorsque la jeune fille finit par de chaleureux remerciements, elle attendit en silence une réponse ; son auditeur, les yeux fixés sur le sol, était plongé dans une profonde préoccupation.

Au bout de quelques instants il leva la tête et lui dit :

— Ma fille, vous avez bien agi ; vous êtes une bonne et généreuse enfant. Ainsi votre rêve vous disait qu’en travaillant nuit et jour vous parviendriez, vous à détourner de votre ami les tristesses de la cécité, lui à vous récompenser de votre amour, et tous deux ensemble à assurer à vos parents une existence paisible ? c’est bien : Dieu a entendu votre prière. C’est lui qui vous a envoyés ici et me permet de faire une bonne action. Je mettrai en œuvre toute ma vieille expérience pour guérir l’œil gauche de votre ami, et j’ai lieu d’espérer que j’y réussirai. Quant au reste, ne vous en inquiétez pas… votre généreux songe deviendra une vérité… Vous passerez la nuit ici ; demain nous aviserons à ce qui reste à faire.