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La poussière du chemin vola sous les roues comme un nuage, et la voiture disparut bientôt au milieu des premières maisons du village.


VIII


Un jour que j’errais en pleine solitude à travers la bruyère, recueillant dans mon âme les poétiques impressions de cette sauvage et calme nature, un orage se forma soudain à l’horizon.

C’est un spectacle merveilleux et souvent formidable, que celui qui s’offre au regard lorsqu’on se trouve dans une vaste plaine par un ardent jour d’été, et que les vapeurs chargées de la foudre montent vers l’immense coupole du ciel et s’y condensent lentement en sombres et orageuses nuées. On dirait qu’une mortelle angoisse s’empare subitement de la nature entière ; le soleil pâlit et ne jette plus qu’une faible lumière ; l’air devient lourd ; suffocant ; et comprime la poitrine ; les animaux fuient et cherchent avec inquiétude une retraite ; les abeilles fendent l’espace comme la flèche pour regagner leurs ruches ; le feuillage est immobile, le vent retient son haleine ; les plus humbles plantes ferment leurs calices et reploient leurs feuilles ; tout attend dans un silence effrayant et solennel… Un indéfinissable sentiment, où se confondent l’anxiété et le respect, serre le cœur du poëte ; au milieu de la terreur universelle il se réjouit dans son âme qu’il lui soit donné de contempler dans toute sa majesté ce terrible et magnifique spectacle de la nature !