Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/313

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Bientôt les nuages commencent à s’entre-choquer ; au calme sinistre qui a duré si longtemps succède une mêlée impétueuse et désordonnée ; l’ouragan gronde, rugît et s’élance comme fouetté par la main toute-puissante de Dieu ; il arrache du sein des forêts de profonds et mystérieux gémissements ; il emporte le sable et les feuilles, en immenses tourbillons, au haut des airs ; il brise et déracine les arbres solitaires… Puis la foudre vient de sa voix puissante dominer tous les bruits ; l’éclair lance ses flèches embrasées à travers l’espace ; la Bruyère, sillonnée par des serpents de flamme, semble toute en feu : enfin, des torrents d’eau s’épanchent sur la terre, et au formidable rugissement de la tempête succède le triste et monotone clapotement de la pluie…

Ce jour-là mon âme était disposée aux impressions poétiques : j’avais contemplé avec une volupté toute particulière le majestueux spectacle du fiévreux labeur de la nature, jusqu’à ce que les premiers éclairs m’eussent fait comprendre que je devais faire ce que toutes les créatures vivantes avaient déjà fait, c’est-à-dire chercher un asile et me cacher humblement en présence des prodiges de Dieu.

Non loin du lieu où j’étais se trouvait une ferme tout à fait isolée dans la Bruyère, mais, comme l’oasis du désert, tout entourée de champs verdoyants et de frais massifs.

À peine la pluie commençait-elle à tomber du ciel comme un second déluge, que je franchissais le seuil de la ferme et demandais la permission de m’abriter sous son toit.