Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/314

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Je trouvai tous les habitants groupés en prière dans le plus profond silence autour d’un cierge bénit. Le fermier seul se dérangea à mon entrée, et me montra, avec un sourire affable, une chaise ; après quoi il inclina de nouveau le front et joignit les mains.

Je ne sais comment cela se fit, mais bien que l’orage, à titre de phénomène bienfaisant de la nature, ne m’inspirât pas le merveilleux effroi qui faisait trembler ces braves gens, le recueillement de cette famille en prière offrait un spectacle si beau, si touchant, si céleste, qu’un irrésistible sentiment me poussa à m’associer à la pieuse démonstration, et à me mettre en rapport avec le Dieu dont la voix formidable tonnait, au-dessus de nous, dans les profondeurs des cieux. La tête découverte et les mains jointes, je me mis aussi à prier. Oh ! cela fit tant de bien à mon âme de retrouver là les émotions de mon enfance aussi pures et aussi vives que si le souffle désenchanteur du monde ne m’eût jamais touché !

Cependant, après qu’une vingtaine d’éclairs eurent illuminé la chambre d’une ardente lueur, après que les gens de la ferme eurent fait autant de signes de croix, l’orage s’éloigna et s’affaiblit sensiblement. Mes hôtes n’interrompirent cependant pas leur oraison, et me donnèrent le temps de faire, sans être remarqué, une étude attentive de chacun d’eux, comme fait toujours en pareil cas un observateur, et surtout un écrivain.

Je vis d’abord un vieillard qui devait assurément avoir atteint la nonantaine et plus, car sa tête et ses mains étaient agitées par un mouvement perpétuel, comme s’il eût eu la fièvre. Auprès de lui se trouvaient deux fem-