Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/323

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davantage de lui. Les deux filles allaient et venaient, le père jetait sur le feu du bois et des gazons, la mère remplissait la marmite du bétail, mais personne ne lui adressait un mot, bien que son œil suivit chacun de ses hôtes, avec une sorte d’affectueux intérêt et que son regard doux et souriant semblât dire : Ah ! ne me reconnaissez-vous donc pas ?

Soudain le son d’une horloge vint frapper son oreille. Ce son parut l’affecter péniblement ; une expression de surprise triste se peignit sur ses traits et chassa le sourire de ses lèvres. Il se leva, et son regard se fixa avec une sorte de colère sur l’horloge jusqu’à ce que les neuf coups eussent, un à un, retenti.

L’hôtesse avait remarqué l’incompréhensible émotion du voyageur ; elle s’approcha de lui tout étonnée, et se mit à regarder aussi l’horloge comme si elle se fût attendue à y découvrir quelque chose d’extraordinaire.

— Quel beau son a notre horloge, n’est-ce pas, Monsieur ? dit-elle. Eh bien, voilà déjà vingt ans qu’elle marche, sans que l’horloger y ait mis la main !

— Déjà vingt ans ! dit le voyageur en soupirant. Et qu’est devenue l’horloge qui se trouvait là avant celle-ci ? Où est aussi la belle sainte Vierge qui était là-haut sur la cheminée ? Partie, mise en pièces, oubliée, n’est-il pas vrai ?

La bonne femme regarda l’étranger avec stupéfaction et répondit :

— Notre Zanna jouait, quand elle était enfant, avec la sainte Vierge, et elle l’a cassée. Mais elle était si mal faite qu’il n’y a pas grand dommage, vu que le curé lui-