Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/327

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mai ? celui qui vous a appris à faire des trompettes et des flûtes avec l’écorce du saule, et qui vous prenait avec lui lorsqu’il allait au marché dans la charrette du briquetier Pauwel ?

— Je me souviens bien, répondit le paysan indécis, que feu mon père m’a dit autrefois que j’ai manqué me noyer dans la Veen à l’âge de six ans. Mais c’est le long Jean qui m’en a retiré… et celui-là est parti du temps des Français avec la chair à canon de Napoléon ! Qui sait dans quelle terre ses os dorment sans bénédiction ? Que Dieu ait sa pauvre âme !

— Ah ! s’écria l’étranger avec joie, vous me reconnaissez maintenant ? Je suis le long Jean ou plutôt Jean Slaets.

Et, comme le paysan ne répondait pas, il ajouta d’un ton surpris :

— Ne vous souvenez-vous plus du fameux tireur de la société de tir, qui était renommé à quatre lieues à la ronde comme le chasseur par excellence, qui, à la cible ou au blanc, ne pouvait trouver son maître, et auquel tous les autres garçons portaient envie, parce que toutes les jeunes filles le voyaient d’un bon œil ? Eh bien, c’est moi, Jean Slaets…

— C’est possible, répondit le paysan avec défiance ; mais pas moins. Monsieur, je ne vous connais pas, soit dit sans vous offenser. Il n’y a pas de société de tir dans notre commune, et à la place où il y avait une cible autrefois, il y a aujourd’hui une maison de campagne qui reste inhabitée depuis l’année dernière, parce que la dame qui y demeurait est morte.