Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/328

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Découragé par la froideur du paysan, le voyageur ne fit plus d’efforts pour s’en faire reconnaître. Il reprit d’une voix calme, en se levant comme pour partir :

— Il y a au village bien des amis qui ne peuvent m’avoir oublié. Vous, Pierre Joostens, vous étiez beaucoup trop jeune quand tout cela est arrivé. Je suis bien sûr que le briquetier Pauwel me sautera au cou dès qu’il me verra. Demeure-t-il toujours au Marais ?

— La briqueterie est brûlée depuis longtemps, et les glaisières sont comblées. Il pousse là-dessus le plus beau foin de la commune. C’est la prairie du riche Tist…

— Et qu’est devenu Pauwel ?

— Ma foi, toute la famille s’en est allée après l’accident, et je ne sais pas ce qu’il en est… Mort sans doute ! Mais j’entends bien, Monsieur, que vous parlez du temps de mon grand-père ; il ne vous sera pas facile de trouver une bonne réponse à toutes vos questions, à moins que vous ne vouliez aller trouver notre fossoyeur. Celui-là sait sur le bout de son petit doigt ce qui s’est passé depuis cent ans et plus !

— Je le crois bien ; Jean Pierre doit avoir maintenant plus de nonante ans…

— Jean Pierre ? Ce n’est pas là le nom du fossoyeur ! Il s’appelle Laurent Stevens.

Un sourire de satisfaction se peignit sur les traits du voyageur.

— Merci à Dieu, s’écria-t-il, qu’il ait du moins épargné un de mes camarades !

— Laurent était donc votre ami, Monsieur ?

— Mon ami ? dit le voyageur en secouant la tête ; c’est-