Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/330

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avaient changé ; l’éternelle harmonie de la nature était en tout demeurée la même ! Telles étaient les pensées qui remplissaient l’âme du voyageur ; quoiqu’il se sentît leste et joyeux, il poursuivit lentement sa route, sans détacher son regard du sol, jusqu’à ce qu’il fût sorti de la sapinière.

Sous ses yeux se déroulait un verdoyant panorama de prairies et de champs cultivés, au milieu desquels un ruisseau argenté promenait en se jouant ses méandres capricieux ; plus loin, à un quart de lieue environ, se dressait un clocher aigu au sommet duquel le coq doré étincelait comme une étoile du jour sous les feux du soleil ; plus loin encore, un beau moulin à vent faisait tourner ses ailes rouges.

Saisi d’une inexprimable émotion, le voyageur s’arrêta instantanément. Ses yeux se remplirent de larmes ; il laissa tomber par terre sa valise, et tendit les mains en avant, pendant qu’une indicible expression de bonheur et de ravissement illuminait son visage.

En ce moment la cloche du village sonna l’Angelus.

Le voyageur s’agenouilla, pencha la tête sur sa poitrine, et demeura quelques instants immobile, frémissant, abîmé dans son émotion. Une brûlante prière s’échappait de son cœur et de ses lèvres ; nul n’en eût douté à voir son regard monter vers le ciel avec une expression d’ardente reconnaissance, et ses mains jointes s’élever vers Dieu. Il reprit sa valise, et se remit à marcher précipitamment en murmurant, les yeux fixés sur le clocher :

— Toi du moins tu n’as pas changé, humble église où