Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/331

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je fus baptisé, où des larmes de joie coulèrent lorsque je fis ma première communion, où tout me semblait si merveilleux, si splendide et si sacré ! Ah ! je reverrai la sainte Vierge avec sa robe d’or et sa couronne d’argent, saint Antoine et son gentil cochon, sainte Ursule et ce diable tout noir avec une langue rouge, dont j’ai rêvé tant de fois… J’entendrai l’orgue, dont le sacristain Sus jouait si bien, pendant que nous chantions à pleine voix : Ave, Maria, gratiá plena !

Le voyageur chantait tout haut ces dernières paroles, et ce souvenir devait le toucher bien profondément, car deux grosses larmes brillantes s’échappèrent de ses yeux. Il reprit sa route en silence et comme oublieux de tout, jusqu’à ce qu’il atteignit un petit pont jeté sur le ruisseau et au delà duquel s’étendait une prairie humide et marécageuse.

Il sourit d’un indéfinissable sourire, d’un sourire tel qu’on eût dit que son âme elle-même apparaissait sur son visage transfiguré.

— C’est ici, dit-il d’une voix émue, que j’ai, pour la première fois, touché la main de Rosa ; ici que, pour la première fois, nos yeux se sont dit ces choses qui donnent sur la terre les joies des bienheureux et ouvrent le ciel aux jeunes cœurs ; alors comme maintenant les iris d’or brillaient au soleil, alors aussi l’alouette chantait sur nos têtes…

Il franchit le pont et entra dans la prairie ; il murmurait :

— Hélas ! les fleurs d’autrefois sont mortes ! L’alouette qui chantait notre amour est morte ! Leurs enfants saluent