Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/334

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— Elle aussi, ô mon Dieu ! Ma pauvre Rosa, morte ! Toujours, toujours cet impitoyable mot : mort ! mort ! Personne sur la terre ne me reconnaîtra donc ? Pas un seul regard ami ne se fixera sur moi !

Chancelant comme un homme ivre, il s’enfuit sous un bouquet de sapins, et là, accablé de douleur, il demeura la tête appuyée contre un arbre jusqu’à ce que sa déchirante émotion se fût peu à peu calmée. Il entra alors dans le village à pas lents et alourdis. Sa route le mena au cimetière isolé, où il s’arrêta, la tête nue, au pied de la croix, et dit :

— C’est ici, devant l’image du Dieu crucifié, que Rosa m’a promis de me rester fidèle et d’attendre mon retour. Nous étions suffoqués de douleur, nos larmes tombaient sur ce banc, et, presque évanouie de chagrin, elle reçut la croix d’or, gage d’amour chèrement acheté… Pauvre amie, peut-être foulé-je aux pieds tes restes mortels ?

Brisé par cette douloureuse pensée, il se laissa glisser sur le banc et y demeura longtemps assis comme sans connaissance. Son regard accablé parcourait lentement le sol du cimetière, où de petits monticules indiquaient les tombes les plus récentes. Il souffrait de voir comme les petites croix de bois tombaient de vétusté sans qu’une main d’enfant songeât à relever ce signe de souvenir sur la tombe d’un père ou d’une mère. Ses parents à lui dormaient aussi dans cette terre ! Mais qui pourrait lui dire où se trouvaient leurs tombes ?

Il resta longtemps absorbé dans ces amères et pénibles réflexions ; la pensée de l’éternité pesait sur son