Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/338

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soit ! n’en parlons plus. Dites-moi seulement où reposent mes parents ?

— Je ne le sais pas, grommela le fossoyeur. Il y a bien vingt-cinq ans qu’ils sont morts… Depuis ce temps-là, j’ai creusé au moins trois fois des fosses à la même place…

Ces paroles firent sur le voyageur une impression si pénible que sa tête s’inclina sur sa poitrine, son regard s’attacha fixement sur la terre, et il demeura plongé dans un navrant désespoir.

Le fossoyeur reprit son travail ; mais ses mouvements étaient lents, et lui-même semblait tout à coup saisi d’une préoccupation profonde. Il vit et pénétra l’amère douleur du voyageur, et s’effraya intérieurement du désir de vengeance qui s’était éveillé en lui et l’avait poussé à torturer un homme aussi impitoyablement. La transformation de sentiments qui s’opérait en lui se reflétait aussi sur son visage ; le sourire railleur disparut de ses lèvres, il contempla quelques instants son compagnon affligé avec une pitié croissante, puis il s’approcha lentement de lui, saisit sa main et lui dit d’une voix calme, mais pénétrante :

— Jean, mon ami, pardonnez-moi ce que j’ai fait et dit ! J’ai mal et cruellement agi ; mais, Jean, savez-vous ce que j’ai souffert par vous ?

— Laurent, s’écria le voyageur en lui saisissant les mains avec effusion, ce sont des fautes de jeunesse. Et voyez combien peu je songe à notre inimitié ! rien que d’entendre prononcer mon nom par vous j’ai éprouvé un inexprimable bonheur… Eh bien ! je vous en suis tout