reconnaissant ; bien que vous m’ayez brisé le cœur par vos lugubres railleries… Et maintenant, Laurent, dites-moi où Rosa est enterrée ? Elle se réjouira dans le ciel si elle nous voit réconciliés et devenus frères près de sa dernière demeure !
— Enterrée ? reprit le fossoyeur ; plût à Dieu qu’elle fût enterrée, la pauvre femme !
— Qu’est-ce ? que voulez-vous dire ? s’écria le voyageur ; Rosa vit-elle encore ?
— Oui, elle vit, répondit Laurent, si on peut appeler vivre l’affreuse existence qu’elle a à supporter !
— Vous me faites trembler. Pour l’amour de Dieu, parlez ! Quel malheur l’a frappée ?
— Elle est aveugle.
— Aveugle ? Rosa aveugle ! Elle n’a plus d’yeux pour me revoir ! Hélas ! hélas !
Éperdu de douleur, il tomba défaillant sur le banc. Le fossoyeur vint se placer devant lui et ajouta :
— Depuis dix ans elle est aveugle et elle mendie son pain de chaque jour… ; toutes les semaines je lui donne quelques sous, et lorsque nous cuisons il y a toujours un petit pain pour elle.
Le voyageur bondit et pressa énergiquement la main du fossoyeur :
— Merci, merci, dit-il. Dieu vous bénisse pour votre affection envers elle ! Je me charge, en son saint nom, de vous récompenser. Je suis riche, très-riche. Dès aujourd’hui, nous nous reverrons. Mais dites-moi sans retard où est Rosa ; chaque instant lui apporte une misère…