Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/343

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fort que son nom prononcé par cet enfant innocent. Des larmes coulèrent, malgré lui, sur ses joues ; il prit le petit garçon sur ses genoux, et le regarda avidement dans les yeux, en s’écriant :

— Ô mon cher petit ange, tu me connais ? Moi que tu n’as jamais vu ! Qui donc t’a appris mon nom ?

— Rosa l’aveugle ! répondit l’enfant.

— Mais comment est-il possible que tu m’aies reconnu ? Est-ce Dieu lui-même qui a éclairé ton âme enfantine ?

— Oh ! je vous ai reconnu tout de suite, dit petit Pierre ; quand je mène Rosa mendier, elle parle toujours de vous, et elle dit que vous êtes si grand, et que vous avez des yeux noirs qui brillent, et que vous devez revenir et nous apporter toutes sortes de belles choses… et je n’ai pas eu peur de vous, Monsieur, car Rosa a dit que je devais vous aimer, et que vous me donneriez un grand arc et une flèche…

Le voyageur écoutait avec ravissement les douces confidences de l’enfant. Tout à coup il l’embrassa avec effusion et dit d’une voix solennelle :

— Père, mère, cet enfant est riche ! Je le ferai élever, instruire, puis je le doterai généreusement. Puisqu’il m’a reconnu, je veux qu’il doive à cette reconnaissance son bonheur en ce monde !

Les parents étaient hors d’eux-mêmes d’étonnement et de joie.

— Oh ! balbutia le père, c’est trop de bonté. Nous vous reconnaissions tous ; mais nous n’osions y croire. Rosa ne nous a pas dit que vous êtes un riche monsieur.