Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/345

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La femme apporta son rouet près de Jean Slaets, comme si elle se préparait à faire un long récit ; elle s’assit et répondit :

— Je vais vous dire, Monsieur, comment elle est venue chez nous. Il faut savoir que, lorsque les vieux Meulinckx sont morts, leurs enfants ont partagé ce qu’ils laissaient, et Rosa, qui pour tout l’or du monde n’eût pas consenti à se marier — je n’ai pas besoin de vous dire pourquoi — Rosa a cédé sa part à son frère, à condition qu’elle demeurerait chez lui, sa vie durant. Avec cela elle s’occupait de faire des bonnets et gagnait par son travail un bel argent qu’elle ne devait pas rapporter à son frère. Elle le dépensait tout en bonnes œuvres ; elle allait visiter les malades et faisait venir le docteur à ses frais, quand les gens devaient y regarder de trop près. Elle avait toujours à la bouche une bonne parole pour consoler chacun, et dans sa poche une chose ou l’autre qui réjouissait et réconfortait les malades. Un jour — nous n’étions pas mariés depuis six mois — mon homme revint à la maison avec une maladie mortelle ; — écoutez ! c’est depuis lors qu’il a gardé cette toux-là. Si notre pauvre Nélis n’est pas au cimetière, c’est au bon Dieu et à la chère Rosa que nous le devons. Oh ! Monsieur, si vous aviez pu voir ce qu’elle a fait pour nous par pure amitié ! Elle apporta des couvertures, car il faisait froid et nous étions bien pauvres ; elle fit venir deux docteurs des autres communes pour causer ensemble de la maladie de Nélis ; elle veilla auprès de lui, adoucit ses souffrances et mon chagrin par ses bonnes paroles, et nous donna tout l’argent nécessaire pour