Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/349

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avec elle, — mais en recevant d’elle d’une main, nous lui rendons le double de l’autre ; car quoiqu’elle ne le sache pas, elle est mieux habillée que nous, et le manger que nous lui préparons, est aussi beaucoup meilleur que le nôtre. Il y a toujours pour elle un petit pot à part dans les cendres. Tenez, le voilà ; une couple d’œufs et une sauce au beurre sur ses pommes de terre. Quant au reste de ce qu’elle reçoit, je crois avoir compris à ses paroles qu’elle le met de côté pour quand nos enfants seront grands. Ah ! Monsieur, elle mérite bien que sa bonté ait une récompense, mais ce n’est malheureusement pas nous qui pourrions la lui donner !

Le voyageur avait écouté ces explications dans un profond silence ; seulement le sourire de bonheur peint sur son visage, et son regard humide, et attendri attestaient la douce émotion qui remplissait son cœur.

La femme avait cessé de parler et remis son rouet en mouvement. Le voyageur demeura quelque temps encore plongé dans ses réflexions. Soudain il posa l’enfant à terre, alla à l’homme qui travaillait, et dit comme s’il lui donnait un ordre formel :

— Laissez là ce travail.

Le faiseur de balais ne le comprit pas et fut tout interdit du ton de sa voix.

— Laissez là ce travail, vous dis-je, et donnez-moi la main, Censier-Nélis !

— Censier ! balbutia le faiseur de balais avec stupéfaction.

— Allons ! allons ! s’écria le voyageur, jetez-moi tous ces balais à la porte ; je vous donne une métairie, quatre