Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/351

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lait à côté de l’inconnu dont il tenait la main, en lui souriant et en babillant familièrement avec lui. Les braves gens étonnés ne pouvaient comprendre ce que ce riche monsieur, qui leur semblait un baron au moins, avait à faire avec Petit Pierre. La stupéfaction s’accrut lorsqu’on vit l’étranger se pencher vers l’enfant et l’embrasser. La seule idée qui vint à quelques-uns et sur laquelle chacun donna son opinion devant toutes les portes, fut que le riche monsieur avait acheté l’enfant de ses parents pour le faire élever comme son propre fils. Cela s’était déjà vu de la part de gens de la ville qui n’avaient pas d’enfants ; — et Petit Pierre, le fils du faiseur de balais, était bien le plus joli petit garçon du village avec ses grands yeux bleus et sa petite tête blonde et frisée… Pourtant il était étrange que le riche monsieur emmenât l’enfant en chemise !

Cependant le voyageur avançait… Le village entier lui semblait illuminé d’une lumière céleste ; le feuillage des arbres était de la plus douce verdure, les humbles maisonnettes lui souriaient, l’air était chargé de senteurs vivifiantes et embaumées…

Son attention s’était détournée de l’enfant ; il était tout entier à cette nouvelle impression de félicité. Cependant son œil se portait au loin et essayait de percer du regard un massif d’arbres qui semblait fermer le chemin à l’autre bout du village.

Tout à coup l’enfant tira fortement sa main et s’écria bien haut :

— Ah ! là-bas, là-bas, voilà Rosa qui vient avec Trinette !