Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/353

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Jean Slaets ne comprenait pas ce que voulait dire Rosa, mais le ton de sa voix lui fit pressentir qu’un motif sérieux, sacré peut-être, lui ordonnait d’obéir sans réplique au désir de son amie.

Sans prendre garde aux villageois qui étaient accourus auprès d’eux et les entouraient, il conduisit l’aveugle au cimetière. Rosa se dirigea vers le banc placé sous la croix, et là elle fit agenouiller Jean à côté d’elle.

— Prie, prie, dit-elle ; je l’ai promis à Dieu !

Elle leva les mains au ciel, pria quelques instants à voix basse, puis elle enlaça les bras au cou de son ami, et l’embrassa avec une telle émotion que ses forces l’abandonnèrent et qu’elle laissa, muette, mais souriante, tomber sa tête sur le sein du voyageur.

Pendant cette scène, Petit Pierre dansait autour des paysans en battant des mains et en criant :

— C’est le long Jean ! c’est le long Jean !


ÉPILOGUE.


Par un beau jour d’automne de l’année 1846, la diligence d’Anvers à Turnhout roulait, selon sa coutume, sur la chaussée empierrée. Le conducteur arrêta soudain ses chevaux près d’une auberge isolée, et ouvrit la portière. Deux jeunes voyageurs sautèrent sur la chaussée, heureux et souriants, et ils étendirent les bras comme des oiseaux longtemps captifs qui essaient leurs ailes en pleine liberté. Ils contemplaient la verdure pâlissante et