Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/354

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le beau ciel bleu avec ce regard avide et joyeux qui indique qu’on vient de quitter la ville, et ils aspiraient l’air à pleine poitrine comme s’ils eussent voulu s’assimiler la grande et forte nature qui les entourait. Tout à coup le plus jeune des deux regarda au loin ; une poétique extase se peignit sur ses traits.

— Écoute ! écoute ! dit-il.

Les sons indistincts d’une musique lointaine retentissaient au delà de la sapinière. Le rhythme était léger et sautillant ; on eût cru entendre le trépignement cadencé de la danse.

Tandis que le plus jeune des voyageurs montrait du doigt l’horizon, dans un silencieux ravissement, son compagnon dit d’un ton de plaisanterie :

— Là-bas sous les tilleuls résonnent le violon et le tambour ; là-bas tourne et voltige la troupe joyeuse ; ils dansent et s’agitent pêle-mêle, et « nul d’entre eux ne songe à la souffrance ou à la mort[1] ! »

— Viens, viens, ami Jean, continua-t-il ; ne t’enthousiasme pas si vite. C’est probablement la réception d’un nouveau bourgmestre.

— Non, non, ce ne sont pas des réjouissances officielles. Allons là-bas ! Voir danser les petites paysannes, c’est un si charmant coup d’œil…

— Prenons d’abord un verre chez Baes Joostens, et demandons-lui ce qui se passe au village…

— Pour nous ôter le charme de l’imprévu, n’est-ce pas ? Ô prose !

Les deux voyageurs entrèrent dans l’auberge, ils y

  1. Ce passage est un vers dans le texte.