Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/355

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eurent à peine mis le pied qu’ils partirent d’un long éclat de rire.

Baes Joostens était près de la cheminée, droit comme une flèche, roide comme un piquet. Sa longue redingote bleue des jours de grande fête descendait presque jusqu’aux talons, toute marbrée de plis anguleux et extravagants. Il salua ses hôtes, qui lui étaient connus, d’un sourire contraint où pouvait se lire un certain embarras, mais ne bougea pas le moins du monde, parce que son col de chemise, haut et droit, lui guillotinait cruellement les oreilles à chaque mouvement.

Les voyageurs étaient à peine entrés qu’il s’écria d’une voix impatiente, mais sans tourner la tête :

— Zanna ! Zanna ! Allons donc ! J’entends la musique. Ne t’avais-je pas dit que nous arriverions trop tard ?

Zanna accourut avec un grand panier tout rempli de fleurs. Oh ! qu’elle était belle avec son bonnet de dentelles, sa jupe de frise, son corsage rose, son grand cœur d’or sur la poitrine, et ses plus belles boucles d’oreilles ! Son visage était rouge de plaisir ; on eût dit une gigantesque fleur déployant ses larges pétales, hautes en couleur.

— Belle et majestueuse pivoine qui s’épanouit par un beau jour de mai ! murmura le plus jeune des voyageurs.

Cependant Zanna avait servi deux verres de bière, et elle s’enfuit avec ses fleurs en riant et en chantant.

Le Baes cria avec plus d’impatience encore :

— Beth ! Beth ! si tu ne viens pas bien vite, je pars seul, aussi vrai que je suis ici !

Une vieille horloge suspendue au mur indiquait neuf