Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/394

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Entre temps la pauvre veuve était occupée à remercier la mère Anne. Cécile adressa encore à Barthélemy un sourire reconnaissant et dit adieu à tous en promettant de revenir dans l’après-midi. Elle prit la petite fille par la main et, suivie de la veuve, elle quitta la ferme.

Cécile garda le silence jusqu’à ce qu’elles fussent éloignées de quelques portées de flèche ; au bout du sentier elle entraîna la pauvre femme derrière un taillis de chêne, regarda de tous côtés autour d’elle si elle ne pouvait être vue, et dit enfin d’une voix contenue :

— Vous vous appelez Catherine Melsens, je crois ?

— Oui, mademoiselle, répondit la veuve ; feu mon homme a demeuré, dans sa jeunesse, chez votre père.

— Je le sais, Catherine. Ne vous a-t-il rien conté de ce qui arriva alors chez nous ?

— D’un incendie, mademoiselle ? Oui, les doigts de sa main gauche en étaient restés crochus et raides…

Cécile demeura quelques instants les yeux opiniâtrément fixés sur le sol ; elle semblait en proie à une extrême tristesse. La petite la regardait avec compassion et la tirait vivement par la main comme pour l’arracher à son chagrin. La veuve stupéfaite considérait la jeune fille sans parler.

Bientôt Cécile prit la main de la pauvre femme et lui dit :

— Savez-vous, Catherine, que feu votre mari m’a sauvée des flammes, au grand péril de sa vie ? Oui, oui, sans lui, le brave homme, j’aurais été brûlée vive !

— Mais, mademoiselle, chacun en aurait fait autant à sa place. Ne soyez pas triste pour cela.