Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/397

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manière de vivre est étrange, son cœur n’en est pas moins bon.

— Je le sais, mademoiselle ; mais connaissez-vous Mathias ?

La jeune fille la regarda d’un air surpris.

— Je le connais, moi, il a demeuré longtemps dans le village où je suis née ; Mathias est un homme qui a gaspillé autrefois tout le bien de ses parents, et a fait mourir de chagrin son père. Comme il était passablement instruit, il s’est fait par besoin une espèce de marchand d’âmes[1] et d’agent d’affaires, et c’est ainsi qu’il a été admis chez votre oncle pour arranger une affaire qui allait de travers. Il a vu bien vite que le terrain était bon pour tromper et mentir. Le dépensier, le gourmand, le méchant a fait semblant d’être avare, sobre et soigneux de toute chose… Savez-vous pourquoi, mademoiselle ? Pour enlever mon héritage et l’héritage de tant d’autres pauvres gens qui sont de notre côté. Et peut-être… mais non, votre oncle vous aime encore trop.

Cécile demeurait immobile, la tête penchée, le regard baissé vers la terre. Oublieuse d’elle-même, elle réfléchissait à l’étrange révélation de la veuve.

Celle-ci reprit :

— Mais ne craignez rien, mademoiselle ; on a quelquefois plus de courage et d’esprit pour les autres que pour soi-même. Mathias sait bien que la pauvre Catherine se retrouvera peut-être un jour dans son chemin. Et puis, mademoiselle, vous êtes seule de votre branche

  1. Agent pour le remplacement militaire.