Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/402

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La jeune fille paraissait tout à fait convaincue par les insinuantes paroles de Mathias. Elle le regardait cependant encore avec une muette stupéfaction.

— Oh ! j’ai tant souffert ! s’écria-t-il avec une sorte de désespoir. Feindre sans cesse, ne pouvoir jamais être moi-même, être détesté à cause de son dévouement même, et devoir dévorer tout en silence. C’est comme si on n’avait ni cœur ni âme !

Il couvrit ses yeux des deux mains, mais épia, à travers ses doigts, la physionomie de la jeune fille émue.

— Pauvre Mathias ! dit Cécile avec un soupir, pourquoi ne disiez-vous pas cela plus tôt ? Je n’eusse pas été injuste envers vous.

— Et maintenant, demanda Mathias, maintenant que vous le savez ? Il découvrit son visage, qui prit une expression suppliante. Continuerez-vous à me haïr ?

— Je ne vous ai jamais haï, Mathias, répondit Cécile ; s’il en était autrement, pourquoi me réjouirais-je de voir votre amitié pour moi ? Je dois demeurer avec vous ici, comme si vous étiez mon frère. Eh bien, je vous aimerai et vous chérirai comme mon frère.

— Ainsi, vous n’aurez plus peur de moi ? — Pourquoi vous craindrais-je, puisque vous avez un bon cœur ?

Un instant de silence suivit ces mots. Il était visible que Mathias méditait quelque chose à part lui ; car son regard devint incertain et errant.

Soudain, il leva la tête et dit avec une apparente indifférence :

— Cécile, je dois vous informer d’une chose qui vous