Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/406

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

difficulté écartée. Ce qui d’abord lui avait semblé impraticable, était devenu possible. Les larmes de la jeune fille, bien qu’elles témoignassent contre lui, ne troublaient pas son triomphe ; cette victoire le réjouit même tellement, que la franchise se peignit sur son visage et s’empara de son cœur. Peut-être crut-il le masque superflu ; peut-être aussi voulut-il, pour rendre son triomphe plus complet, employer des moyens qui lui semblaient assez puissants pour obtenir le libre consentement de la jeune fille. Bien que celle-ci ne le regardât plus, il lui dit avec enthousiasme :

— Votre tristesse n’est pas fondée, Cécile. Nous serons les gens les plus heureux qui se puissent trouver. Vous aurez de belles robes ; vous habiterez un petit château ; vous irez en voiture ; à l’église vous vous assiérez dans le chœur, et l’on vous saluera comme une dame. Tous les mets les plus friands couvriront notre table ; nous serons servis par des domestiques, et n’aurons à songer à rien qu’à bien boire et à bien manger… Vous ne me croyez pas ? L’oncle Jean est riche, riche à trésors. Il a, grattant et ramassant, et je ne sais comment, ramassé des mille et des mille florins. C’est pour cela qu’il ferme soigneusement toutes les portes au verrou quand il va en haut pendant le jour : il fouille à belles mains dans ses écus…

La jeune fille fut saisie d’Un tremblement extraordinaire.

— Je devine à votre mouvement ce que vous voulez dire, Cécile, poursuivit Mathias ; vous me reprochez de l’encourager dans son avarice, n’est-ce pas ? Ah ! ne com-