Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/407

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prenez-vous donc pas que j’économise pour vous et pour moi ? Il restera d’autant plus pour nous. Vous pouvez dire que n’ayant aucun droit, je n’hériterai de rien. Cela paraît ainsi, mais c’est faux. L’oncle Jean me donne la moitié de son bien ; le reste vous revient de par la loi. Ainsi, Cécile, nous aurons à nous deux seuls tout l’argent, toute la fortune de l’oncle Jean ! Comme nous satisferons tous nos désirs, comme nous serons monsieur et madame !

Il considéra sans doute le silence de la jeune fille comme un tacite assentiment, car sa voix prit un ton de raillerie triomphante en continuant :

— Et nous n’attendrons plus longtemps, Cécile ; vous entendez que chaque jour l’oncle Jean tousse de plus en plus ; sa poitrine est perdue. Nous lui ferons signer un testament qui assure tout à nous deux. Maintenant cela ira facilement… Dès qu’il mourra, — nous n’y pouvons rien faire, — que Dieu ait son âme : l’argent nous restera, et nous montrerons alors si nous nous entendons ou non à vivre !

Cécile se mit à trembler plus fort en entendant cette dernière raillerie.

Mathias se tut un instant et sembla attendre d’elle une réponse. Comme elle restait assise, muette et la tête courbée, il demanda :

— Eh bien ! Cécile, pleurez-vous encore ?

La jeune fille se leva lentement, redressa la tête avec hauteur et lança sur Mathias un regard si plein de mépris qu’il tressaillit d’étonnement. Néanmoins, il ne savait ce qu’il devait penser ou espérer, car le visage de