Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/408

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Cécile exprimait plutôt une sorte de joie que la tristesse.

— Eh bien ! eh bien ! qu’en dites-vous ? demanda-t-il avec une certaine émotion.

— Traître ! dit la jeune fille avec le ton du plus profond mépris.

— Comment ? qu’est-ce ? s’écria Mathias confondu.

— Moi, devenir votre femme ! reprit la jeune fille avec une courageuse dignité, vous aider à insulter encore à mon oncle après sa mort, — à dépouiller de leur part d’héritage la veuve et l’orphelin ? Dussé-je être enterrée vive, sur le bord de la fosse je dirais encore : non !

Muet et terrassé, Mathias regarda la fière jeune fille, qui fit tout à coup un signe si énergique qu’il baissa les yeux sous son regard.

— Vous croyiez sans doute que je pleurais, le visage caché dans mon tablier ?… Non, non ! J’ai vu s’ouvrir votre cœur — et j’ai adressé une prière au ciel et remercié Dieu de ce qu’il ait permis que vous soyez franc. À cette heure je vous connais.

Le trouble de l’imposteur démasqué dura un instant encore, mais dès qu’il fut convaincu que la résolution de la jeune fille était irrévocable, un rire vindicatif contracta son visage.

— Ah ! ah ! c’est ainsi que vous entendez les choses ! Nous verrons comment cela se passera : je saurai bien vous contraindre à entrer dans mes vues. Vous dites que vous me connaissez ? Comme vous vous trompez ! Je suis bien pire que vous ne le pensez. Un jour viendra où vous ramperez, suppliante, à mes genoux.