Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/409

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— Je ne ferai jamais cela, Mathias, dit la jeune fille avec un sang-froid imperturbable.

— Vous ne le ferez pas ? Ah ! je ne puis m’empêcher de rire en vous entendant parler ainsi. N’ai-je pas toute votre fortune entre mes mains ? Je vous enlèverai tout…

— Prenez, répondit-elle.

— Je vous ferai chasser d’ici,

— Faites-moi chasser.

— Votre oncle vous maudira à son lit de mort.

Muette et comme anéantie par cette terrible menace, Cécile courba la tête.

— Ah ! vous perdez courage ? Que devient cette belle intrépidité ? dit Mathias avec ironie. Je vous porterai un coup encore plus sensible. Ne sais-je pas pourquoi vous me dédaignez ? Il y a un autre homme que vous accepteriez parfaitement pour mari, et sans pleurer, n’est-ce pas ? La fermière de la Chapelle a un fils, un écervelé, un ivrogne, — c’est là celui qu’il vous faut, n’est-il pas vrai ? Eh bien, vous l’aurez ! Vous l’aurez, oui, et vous pourrez alors aller mendier ensemble… Vous souffririez et supporteriez tout pour me tenir tête. Je le sais ; sous votre douce et placide physionomie, vous cachez une grande obstination ; mais je ne me vengerai pas sur vous seule. Ma vengeance saura atteindre aussi celui qui est cause de votre refus. Je poursuivrai Barthélemy et sa mère ; je les pousserai à leur ruine, ma haine s’attachera à eux et ne les quittera que le jour où ils seront couchés sur la paille de la misère. Et à qui sera la faute s’ils sont malheureux ? À vous, à vous seule !

Cécile fut écrasée par ces cruelles paroles. Elle appuya