Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/410

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la tête contre la cheminée, et parut en proie à une douleur immense.

Une joie sauvage rayonnait sur le visage de Mathias. Il y avait dans son regard une expression si ignoble et si cruelle, qu’on eût cru voir un reptile qui fascine sa proie d’un regard venimeux, et veut lui faire souffrir mille morts avant de l’engloutir.

— Dans un quart d’heure l’oncle Jean descendra, dit-il. Encore une fois, Cécile, et pour la dernière, je vous engage à bien réfléchir. Voulez-vous lutter contre moi ou accepter la paix ? Voulez-vous être riche et heureuse ou devenir servante, aller mendier peut-être ? Un quart d’heure est bientôt passé !

La jeune fille leva la tête et répondit en pleurant :

— Je parlerai aussi, moi ; je dirai tout à mon oncle. Il connaîtra votre perfidie. Il a bon cœur, votre méchanceté l’épouvantera…

— Allons, allons, dit Mathias en l’interrompant d’un ton railleur, parlez-lui de ma perfidie, comme vous l’appelez ; racontez-lui mot à mot ce que je vous ai dit ; il ne vous croira pas. Il a bon cœur, dites-vous ? C’est justement pour cela qu’il fera ce que je veux. Accusez-moi, accusez-moi ! le plus tôt sera le mieux…

En disant ces derniers mots, Mathias avait peu à peu laissé baisser sa voix, de telle façon que Cécile, qui avait appuyé de nouveau sa tête contre la cheminée, n’entendit qu’à demi la fin de sa phrase. En même temps l’imposteur avait gagné sur la pointe des pieds une porte latérale et avait quitté la chambre en verrouillant sans le moindre bruit la porte à l’intérieur.