Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/416

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— Un homme ? lui, un homme ? s’écria la jeune fille égarée. C’est le démon lui-même, le démon de la fausseté et de l’avidité.

— Cécile, malheureuse enfant, je vous pardonne, dit Mathias en soupirant. Puisse Dieu là-haut vous pardonner de même cette calomnie !

— Eh bien, reprit l’oncle, tu n’en veux pas pour époux ?

— Jamais, répondit Cécile. Je suis prête à toutes les souffrances ; dussé-je mourir de la mort la plus cruelle, dussé-je être l’opprobre du monde entier, je ne consentirais jamais, jamais !

L’oncle se leva et dit d’un ton résolu :

— C’est bien, je traiterai votre ingratitude comme elle le mérite. Cette après-dînée, vous irez à la ferme de la Chapelle, vous y reprendrez ce qui vous appartient ; vous y demeurerez trois minutes… et si désormais il vous arrive d’adresser la parole, de rendre visite à ces mauvaises gens, si même vous osez les saluer, alors…

Un nouvel accès de toux surprit le vieillard et lui coupa la parole : il était visible que la sentence qu’il allait prononcer l’impressionnait péniblement.

Mathias contemplait d’un air railleur la jeune fille immobile sur sa chaise et pleurant amèrement. L’oncle reprit avec plus d’impatience, aussitôt qu’il put reprendre haleine :

— Alors, je te… Ah ! cela ne peut sortir de ma bouche… Mon enfant, mon enfant, si tu savais quelle peine tu me fais !

L’accent plaintif de ces dernières paroles émut profon-