Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/419

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le pied à côté et continuait de filer, bien que le rouet ne tournât pas.

Son regard était fixé sur l’horloge ; elle semblait compter chaque coup du balancier, et fréquemment elle contemplait les aiguilles, trop lentes à son gré, avec une expression d’impatiente colère, comme s’il eût dépendu de l’horloge d’accélérer sa marche.

Tout à coup elle fut arrachée à ses distractions par un événement imprévu ; la marmite soumise à un feu trop ardent déborda, et l’eau coula à flots dans le feu.

— Eh bien ! Jeannette, cria la mère Anne qui, du fond de l’étable, était accourue au bruit, bientôt tu laisseras l’eau bouillante tomber sur toi sans t’en apercevoir. Ma fille, ma fille, depuis la dernière kermesse tu es devenue si songeuse que je n’y comprends rien.

La jeune fille parut troublée et confuse :

— Allons, allons, mère, répondit-elle avec précipitation, portons la marmite à l’écurie. J’irai ensuite bien vite jusqu’au village chercher du fil vert pour Cécile ; elle me l’a demandé.

— Si Cécile l’a demandé, vas-y tout de suite, bientôt il sera trop tard, mon enfant.

Tout en parlant elles avaient transporté la marmite à l’écurie.

Jeannette revint seule dans la chambre ; elle jeta un coup d’œil satisfait sur l’horloge, et franchit précipitamment la porte avec un cri de joie à grand’peine comprimé.

Dès qu’elle fut à quelque distance dans le chemin, et après avoir tourné deux fois la tête vers la ferme, elle