Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/422

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comme les cruches à lait[1] — il y en avait bien mille, je crois. Et tous ces pots étaient pleins, mais tout à fait pleins de sucre !

— Mille cruches pleines de sucre ! s’écria la Jeune fille en levant les mains au ciel.

— Mais, Barthélemy, si tu dis vrai, qui donc mange tout ce sucre-là ?

— Les gens riches, bien sûr, Jeannette. Et puis le monde est si grand ! Mais le plus beau de toute l’affaire, Jeannette, c’est qu’il m’a donné pour la mère cinq ou six gros paquets de sucre candi : il y en a du blanc, du jaune, du roux, du brun, du noir, et que sais-je encore ; enfin, de toutes les couleurs !

— Du noir ?

— Oui, aussi noir que la poix. La mère ne saura rien. Nous allons joliment rire ! Allons, en route maintenant, notre Bles commence à avoir froid ; je vais te montrer le mouchoir. Fais attention, ne le froisse pas. Montre-moi tes mains, Jeannette.

— Oh ! je viens de laver des navets, il n’y a qu’un instant.

Barthélemy était monté sur la charrette pour prendre le mouchoir, et tout en procédant à l’opération, il continua :

— C’est seulement pour dire, chère sœur, que ce sont là des choses qu’il ne faudrait pas toucher sans mitaines. Huit francs et demi !

Il descendit de la charrette avec un paquet enveloppé de papier, alla, avec des gestes mystérieux, se poster au bord du chemin, et là dénoua avec précaution la ficelle

  1. Le lait se transporte en Flandre dans de grandes cruches en cuivre.