Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/427

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les yeux de la brave femme toute surprise, aller de la table si bien ornée à ses enfants souriants, et regardant tout d’un air interrogateur comme pour y trouver l’explication de toutes ces belles choses.

— Vive Anne ! vive Anne ! crièrent Barthélemy et sa sœur ; et transportés de joie ils volèrent au cou de la vieille mère, et appliquèrent sur ses joues plus d’un gros baiser tout plein d’amour.

Le jeune paysan se dégagea le premier de l’étreinte, prit le mouchoir neuf, le mit sur les épaules de sa mère, courut au mur prendre un petit miroir, et s’écria :

— Voyez, voyez, mère, voilà votre cadeau. Vous n’irez plus à l’église maintenant avec ce vilain mouchoir.

La mère comprit seulement alors ce que signifiait la joie de ses enfants. Elle était tellement émue qu’elle ne put dire un mot ; et tout interdite, elle regarda fixement le mouchoir.

Une larme s’échappa enfin de ses yeux. Elle attira ses enfants sur son sein et les couvrit de baisers à son tour :

— Oh ! comme Dieu est bon ! murmura-t-elle d’une voix altérée.

Et tandis qu’elle gardait toujours sa fille enfermée dans ses bras, Barthélemy courut à la table, remplit de bière les trois jattes, et dit d’une voix tendre et grave :

— Mère, à votre santé ! Puissions-nous vivre longtemps ensemble, une vie d’amour et de vertu ! que je reste en bonne santé afin de travailler pour ma bonne mère, et que Dieu nous donne sa bénédiction ici-bas et plus tard dans le ciel ! Vive Anne !