Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/431

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— J’ai promis à la veuve de Jean le maçon que je lui viendrais en aide. Je ne le puis pas. Voici une croix qui vient de ma mère morte. Qu’elle la vende et achète du pain pour ses enfants. Mère Anne, Barthélemy, Jeannette, mes chers et bons amis, adieu. Pensez à moi, Priez Dieu, priez-le qu’il me protége !… Je vais souffrir, me consumer, mourir de douleur, car…

Sa voix s’éteignit ; elle s’enfuit en sanglotant et les mains devant les yeux.

Un instant après, les habitants de la ferme de la Chapelle pleuraient en silence.

Le mouchoir gisait oublié sur une chaise, et déjà une profonde obscurité couvrait la terre avant qu’aucun d’eux fût sorti de cette morne consternation, et eût trouvé quelque adoucissement à sa navrante douleur.


V



Comme si Cécile eût été l’ange dont la présence dispensait à la ferme de la Chapelle bonheur et contentement, toute joie avait disparu avec elle.

Barthélemy, le vaillant et gai jeune homme, n’était plus reconnaissable. Pendant des journées entières, il demeurait muet et pensif ; il penchait en avant sa tête affaissée par une tristesse continuelle ; sur son visage pâle et abattu on lisait le martyre de son âme et les angoisses du désespoir.

Toutes ses chansons étaient oubliées, et s’il travaillait encore comme autrefois, ses mouvements étaient lents et incertains, comme chez celui dont la pensée absente