Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/432

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ne surveille pas l’œuvre des mains. À peine lui restait-il assez d’attention pour faire de temps en temps une réponse brève et peu encourageante aux consolations de sa mère.

Ainsi, en moins de deux mois, la gentille petite ferme devint aussi silencieuse, aussi solitaire, aussi triste que la morne demeure de l’avare.

Ce qui brisait le cœur du jeune homme, ce n’était pas tant l’absence de Cécile que l’ignorance dans laquelle il se trouvait sur son sort. Son imagination évoquait sous ses yeux mille scènes terribles ; il voyait ses souffrances et ses larmes ; il entendait ses plaintes et ses gémissements. Le sommeil était pour lui comme la veille, plein de soudaines émotions, plein d’alarmes sans cause définie qui le livraient en proie à d’incessantes douleurs, à de continuelles inquiétudes. On s’en apercevait assez, quand, occupé de quelque travail, il se mettait souvent à trembler tout à coup, à grincer des dents avec colère, à lever vers le ciel un regard suppliant.

Le sentiment de son impuissance rongeait son cœur comme un ver dévorant. Cécile l’avait prié, avec tant d’insistance, de s’abstenir de toute intervention ; il avait lu dans son regard qu’un mystérieux et terrible pouvoir la forçait de se soumettre. Peut-être eût-il fait son malheur à elle, en cherchant à tirer vengeance de celui qui paraissait la cause de ses douleurs.

Cette dernière pensée l’empêcha de faire aucune démonstration contre Mathias, quelle que fût la violence avec laquelle il sentait parfois son sang bouillonner de colère et ses ressentiments comprimés lui monter à la tête.