Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/433

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Pendant la semaine, Cécile ne quittait pas le vieux couvent ; elle ne paraissait même pas sur le seuil de la sombre habitation ; mais le dimanche elle allait à l’église avec son vieil oncle et Mathias.

Déjà, pendant trois semaines consécutives, Barthélemy s’était placé, sur le chemin que devait suivre Cécile. Chaque fois, d’aussi loin que la jeune fille avait pu l’apercevoir, elle avait baissé les yeux et passé devant lui sans même prendre garde à son salut. S’il ne pouvait obtenir de Cécile un seul signe, l’oncle Jean, en revanche, lui lançait des regards irrités, et semblait lui adresser de terribles reproches. Mathias dardait sur le jeune homme des regards obliques et railleurs, tout en prenant avec un sourire significatif le bras de Cécile, en penchant la tête vers elle d’un air d’adulation, en un mot, en se comportant vis-à-vis de la jeune fille comme si un autre sentiment que l’amitié autorisait entre eux cette familiarité.

Dire combien ce spectacle blessait profondément le cœur du jeune homme, ce serait impossible. La pâleur de Cécile, les larmes qu’il croyait apercevoir sur ses joues suffisaient bien déjà pour lui faire souffrir d’inexprimables douleurs ; cependant l’odieuse ironie de Mathias lui infligeait un supplice plus cruel encore.

Trois fois il s’était placé ainsi sur le chemin de l’église, et trois fois il s’était enfui pour aller cacher les torrents de larmes qui s’échappaient de ses yeux dans les silencieuses profondeurs de la sapinière.

Depuis lors, la rencontre des habitants du vieux couvent lui inspirait un tel effroi, qu’il n’osait plus épier le