Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/434

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retour de la jeune fille que de très-loin et sans être aperçu.

Seule la veuve du maçon savait parfois faire pénétrer dans son cœur oppressé un rayon de consolation. Elle ne se trompait nullement sur la secrète passion qui torturait le jeune homme, et elle savait, avec un tact parfait, toucher en lui les fibres capables de faire vibrer un sentiment d’espoir. Elle prononça hardiment le mot d’amour et le força d’avouer le mal dont souffrait son âme. Cela lui donna le droit de lui prodiguer franchement des consolations en lui parlant sans cesse de Cécile, et en lui faisant espérer que l’amie dont il était séparé éprouvait pour lui les mêmes sentiments.

Depuis les tristes adieux de Cécile, la mendiante avait déployé une activité dont on pouvait s’étonner à bon droit. Dès le matin de bonne heure, jusque bien tard dans la soirée, elle était sur pied avec son enfant. Barthélemy travaillait-il aux champs, à l’instant elle était auprès de lui, le réconfortant et lui faisant entrevoir de riantes perspectives, puis elle le quittait pour revenir le visiter encore une heure après. Si le jeune homme venait à passer devant le couvent, il trouvait la veuve assise avec son enfant au bord du chemin, comme si elle espionnait la demeure de l’avare. Traversait-il le village, il y voyait la mère et l’enfant trottant et courant, qu’il fit beau ou mauvais temps ; se postait-il le dimanche pour attendre de loin le passage de Cécile, il voyait la veuve se poser au milieu du chemin et demander hardiment une aumône à la jeune fille, bien que l’avare lui fît signe de s’éloigner par des gestes irrités.