Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/435

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Un sentiment de reconnaissance pour Barthélemy et Cécile excitait vraisemblablement la pauvre veuve à déployer ces efforts extraordinaires ; peut-être aussi la haine qu’elle portait au perfide Mathias était-elle un puissant stimulant de son activité.

Et en effet, en quelque occasion qu’elle rencontrât le persécuteur de Cécile, l’ennemi de Barthélemy, elle attachait sur ses yeux un regard si fixe et si perçant, elle semblait le menacer et le provoquer si hardiment, que, sous l’influence réitérée de cette attitude, Mathias en était venu peu à peu à craindre la mendiante, et s’était persuadé que celle qu’il avait si souvent repoussée rudement se doutait de ses projets sur l’héritage de l’oncle Jean. Qu’avait-il à redouter d’elle ? il l’ignorait ; mais cela lui inspirait d’autant plus d’inquiétude. Il savait de plus que, du chef de son mari, la veuve avait droit à une petite partie de la succession : c’était même là la raison de la brutalité avec laquelle il s’était toujours conduit envers elle.

Cette inquiétude et l’affaiblissement à vue d’œil de l’oncle Jean le faisaient insister impatiemment et par tous les moyens auprès de Cécile pour la faire consentir à devenir sa femme. Tantôt il se montrait flatteur, prévenant, et lui promettait tous les bonheurs ; tantôt il redevenait méchant et cruel, il maltraitait la pauvre fille et s’efforçait de la convertir à son projet par la terreur, et même par la crainte de la mort. Mais quelque moyen qu’il employât, si vivement qu’il excitât par les plus viles calomnies l’esprit de son oncle contre elle, la jeune fille persistait dans son refus, et se renfermait la plupart du