Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/438

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— Parle ! dit-il d’une voix tonnante, parle, ou je te brise les épaules entre mes mains !

Une plainte étouffée s’échappa de la poitrine de la victime ; elle s’affaissa sur ses genoux, et dit d’un ton suppliant, en tendant les mains vers son bourreau :

— Ô Mathias, quel mal vous ai-je fait ? Si je dois mourir, ne me faites pas mourir à petit feu !

Le barbare contempla avec une sorte de volupté la jeune fille, qui tremblait agenouillée à ses pieds.

— Je te l’avais bien dit, répliqua-t-il avec un rire sardonique, que tu t’agenouillerais un jour devant moi. Tu croyais la chose impossible, et te voilà !

— Pardon ! grâce ! je ferai tout ce que vous voulez ; je deviendrai l’esclave de vos moindres vœux, j’obéirai à un signe de vous, je serai votre servante…

— Ce n’est pas là ce que je veux.

— Je renoncerai en votre faveur à ma part de succession, je prierai mon oncle de vous la donner aussi ; et, si c’est nécessaire, je signerai, en présence de témoins, les écrits qui peuvent vous mettre en possession de tout. Mais, pour l’amour de Dieu, donnez-moi un peu de répit, laissez-moi un instant en paix… Ma tête s’en va… je sens… j’ai peur… je deviens folle…

Sa tête s’inclina profondément sur sa poitrine, mais elle resta agenouillée.

— Ce n’est pas bien ainsi, répondit Mathias. Il y a un autre moyen de faire de moi le meilleur homme du monde. Tu connais ce moyen. Tu es libre encore aujourd’hui de le choisir ; demain il sera trop tard. Si tu ne l’acceptes pas, tu peux dire adieu à la lumière du soleil ;