Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/439

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ma haine te consumera à petit feu, le chagrin t’épuisera lentement, tu disparaîtras comme la neige, sous le feu de ma vengeance. Ah ! ah ! tu vois bien que tu ne me connais pas encore. Réponds à ma question ; veux-tu être ma femme, oui ou non ?

La jeune fille se leva sans prononcer un mot, alla se rasseoir sur sa chaise et mit les mains devant ses yeux.

— Cécile, dit Mathias d’un ton calme en s’asseyant pareillement, avant de me résoudre à pire, je veux une fois encore vous engager à la prudence. En vérité, je ne vous comprends pas. Il est dans la destinée de toute fille de se marier tôt ou tard. Qu’importe le nom du mari, pourvu qu’il soit en état de bien pourvoir à l’entretien de sa femme et de lui rendre la vie agréable ? Et que je puisse faire cela, assurément vous n’en doutez pas. Il est bien vrai que dans la jeunesse on s’imagine que l’amour, la beauté, l’affection, sont des choses qui ont leur valeur dans la vie. Rêves que tout cela ! rêves qui s’en vont avec la folie des jeunes années ! Il n’y a qu’une chose qui demeure toujours, une chose qui tient la place de tout, ou plutôt qui est l’inépuisable source de toutes les autres. Cette chose s’appelle l’argent. Eh bien, nous aurons de l’argent à foison. Pourquoi donc s’attrister ? Parce que l’amour, la sympathie, l’affection, manqueront à notre mariage ? Quel prix peut avoir un seau d’eau pour celui qui est maître de la source d’où elle coule sans cesse… Tu ne réponds pas ? Je comprends, ce n’est pas le défaut d’amour qui t’arrête, c’est la haine que tu me portes. Mais qu’est-ce que la haine ? une illusion, un sentiment qui, comme l’amour, naît et s’éteint avec sa cause. Tu