Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/440

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me hais parce que je te fais du mal. Épouse-moi, je te montrerai de l’amitié ; ta haine disparaîtra avec la raison qui l’a fait grandir dans ton cœur. Que dis-tu à cela ? Faut-il me fâcher encore, et arracher par la force les paroles de ta bouche ?

À cette question faite avec le sombre accent de la menace, la jeune fille se mit à trembler de nouveau.

— Oh ! pardonnez-moi, répondit-elle d’une voix pleine de prière ; je ne sais pas mentir. Cela vient, voyez-vous, de ce que je passe ici les jours entiers dans la solitude, songeant, rêvant et souffrant… L’âme voit alors plus avant et découvre des choses que dans d’autres circonstances elle n’eût pas approfondies. Savez-vous ce que c’est que le mariage ?

— C’est l’union de deux personnes qui mettent leur vie en commun pour en tirer plus grand avantage, dit Mathias. Ni plus ni moins que deux négociants qui mettent ensemble leur argent pour pouvoir faire un plus grand commerce.

— Plût à Dieu qu’il en fût ainsi ! dit Cécile en soupirant. Peut-être alors pourrais-je me rendre à votre désir,

— Ce n’est pas autre chose, croyez-moi ! dit Mathias en l’interrompant.

— Non, non, c’est l’annihilation de la femme, reprit la jeune fille avec une singulière énergie, annihilation commandée par Dieu, dictée par le sentiment du devoir, exigée par une inexorable nécessité. Maintenant que je ne suis pas mariée, je jouis malgré tout d’une certaine liberté ; j’ai ma volonté à moi, je puis vous résister sans pécher contre Dieu et contre ma conscience. Si vos per-