Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/441

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sécutions me font mourir de chagrin, peut-être trouverai-je ma récompense dans le ciel. Mariée avec vous, devenue votre femme, je devrais satisfaire à vos moindres désirs, me soumettre à vos moindres volontés, vous obéir comme une esclave… C’est là ce qui m’épouvante à la seule pensée de ce que vous demandez de moi.

Cette réplique parut causer à Mathias une profonde surprise ; non pas tant pour le sens même, qu’à cause du ton grave et posé avec lequel Cécile avait parlé. Il ressentit un vif dépit de trouver encore autant de force et de fermeté dans celle qu’il croyait tout à fait épuisée et à bout de courage. Après être resté un instant sous cette impression, il répondit avec son mauvais sourire :

— Je vous comprends ; en effet, vous jugez les choses à fond. Vous seriez capable, si vous acceptiez, de me refuser le baiser conjugal. Quel enfantillage !

— Ah ! s’écria Cécile au désespoir, ce baiser, ce baiser me ferait mourir ! Et si je pouvais survivre un seul jour à cet affreux malheur, je me détesterais plus encore que je ne vous déteste !

Mathias se leva, et jetant à la jeune fille un regard farouche :

— Ainsi, demanda-t-il, tu préfères une autre mort, une mort lente comme celle de l’être qu’on tue à coups d’épingle.

Il ne reçut pas de réponse. Il demeura assez longtemps plongé dans ses réflexions. Enfin, il répondit d’un ton dégagé :

— C’est bien ; je n’ai plus d’espoir de vous faire entendre raison. J’atteindrai mon but d’une autre manière.