Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/445

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déjà dans vos yeux. Ah ! il vous a défendu de parler ? Il veut vous faire mourir de langueur ; peu lui importe de quelle manière il parviendra à se rendre maître de votre part d’héritage. Et vous, abattue par de longues souffrances, vous le laisseriez triompher, grâce à vos terreurs ? Pensez-vous que Dieu ne s’irriterait pas de vous voir faire réussir les projets d’un méchant contre vous-même. Vous pourriez me répondre que vous êtes maîtresse de votre vie peut-être ! Mais si votre mort devait tuer une autre personne, une personne qui languit d’amour pour vous…

— Mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria Cécile d’une voix déchirante, Barthélemy est-il malade ?

— Osez-vous le demander, Cécile ? répliqua Catherine. Ainsi vous n’avez pas pensé à lui ? Vous ne vous êtes pas affligée de ne plus le voir ?

La jeune fille s’affaissa sur une chaise et fondit en larmes.

— Catherine, dit-elle en sanglotant ; je fais peut-être mal de vous laisser lire dans mon cœur. Oh ! j’ai plus souffert que lui : lui du moins voit le soleil, les champs, la lumière ; il entend des voix amies ; il a une mère… et moi, moi je n’entends que blasphèmes, imprécations, et son nom quand il s’échappe de mes lèvres dans la solitude… et moi, moi je ne vois rien que les quatre murs nus de ma prison, — et son image qui flotte devant mes yeux troublés.

Un sourire de joie illumina le visage de Catherine ; elle prit tendrement la main de la jeune fille et demanda :

— Vous l’aimez donc aussi, Cécile ?