Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/452

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Le soleil versait aussi sur la ferme de la Chapelle les flots de sa joyeuse lumière ; là aussi les oiseaux chantaient le bonheur de la vie et les douceurs de l’amour ; mais, au milieu de cette résurrection et de cette allégresse, l’habitation solitaire demeurait silencieuse et morne, comme si elle seule, avec ses habitants, était encore ensevelie dans le sommeil glacé de l’hiver.

La mère Anne était assise seule auprès du foyer, et s’occupait à éplucher des légumes. Elle prêtait peu d’attention à son travail ; ses yeux s’égaraient souvent dans l’espace, vagues et sans expression, comme si elle eût été absorbée dans de tristes pensées ; et en effet sa physionomie attestait une profonde douleur, et même un amer découragement.

Tandis que la bonne femme vaquait, rêveuse et pensive, à sa besogne domestique, Barthélemy entra une bêche à la main. Il s’était sans doute fatigué à un pénible travail, car il marchait, le dos voûté, à pas lents et appesantis, sans saluer sa mère, sans faire attention à elle, comme s’il ne l’eût pas aperçue.

Celle-ci suivait son fils du regard, douloureusement frappée de l’oubli du jeune homme. À peine eut-il disparu par la porte de derrière, que des larmes silencieuses s’échappèrent des yeux de cette mère affligée, qui pencha la tête sur son travail.

Peu d’instants après, Jeannette entra, une crache de lait à la main.

Elle posa la cruche à terre, et elle allait lever le couvercle de la marmite aux vaches, mais elle s’arrêta en voyant des larmes sur les joues de sa mère.