Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/453

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Une vive impatience se peignit sur ses traits ; elle alla à sa mère, lui prit le bras et le secoua en disant d’une voix triste :

— Encore ! C’est toujours de même ! Si cela continue, vous serez bientôt sur le grabat tous deux, et vous me laisserez tout l’ouvrage sur le dos. Si je ne me soutenais pas bien, qu’arriverait-il ?

Comme elle ne reçut d’autre réponse qu’un redoublement de larmes, elle reprit d’une voix suppliante :

— Allons, mère, finissez donc, je vous en prie. Vraiment il y a de quoi n’y pas tenir à voir toute la journée une pareille tristesse ! Barthélemy ne parle plus, il va et vient comme une ombre ; vous, mère, dès que vous êtes seule, vous vous mettez à pleurer. Parlez franchement, mère ; cela n’est pas raisonnable… ou il doit y avoir là-dessous quelque chose que je ne comprends pas. Personne ne me dit rien, on croirait qu’on me repousse…

La pauvre mère Anne saisit la main de sa fille et la pressa tendrement comme pour lui faire sentir qu’elle n’avait rien perdu de son affection. Puis elle dit d’une voix plaintive :

— Jeannette, ma chère enfant, ne vois-tu pas que ton frère dépérit ? Ne vois-tu pas comme ses yeux sont égarés, comme il devient pâle et maigre ? Et, en le regardant, la crainte qu’il n’arrive un plus grand malheur ne te fait-elle pas trembler quelquefois ?

— Mon Dieu, mère, s’écria Jeannette avec anxiété en essuyant à son tour les larmes qui perlaient dans ses yeux, que veut dire cela maintenant ? Barthélemy est triste, il maigrit, c’est vrai ; mais je sais bien pourquoi.