Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/454

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De pareils chagrins peuvent bien faire languir un peu ; mais petit à petit on finit par en guérir. Pourquoi aussi allait-il s’occuper de Cécile ? Elle n’était pas son égale, après tout ; car nous ne sommes que de pauvres gens qui devons gagner, comme des esclaves, notre pain de chaque jour ; et elle, elle est riche ou le sera un jour. Pourquoi ne le grondez-vous pas pour lui ôter cette folie de la tête ? Mais non, vous pleurez et le laissez faire à sa guise. Ah ! si j’étais sa mère !

— Mon enfant, mon enfant, dit la mère Anne en soupirant, si tu savais tout ce que j’ai tenté pour le ramener à la raison ! J’ai grondé, prié, pleuré, mais réprimandes, prières, larmes, tout a été inutile. Il avoue son erreur, il voudrait l’oublier, il me donne raison en tout, il se jette à mes genoux et me demande pardon…

— Et vous, mère, vous lui pardonnez bien vite, n’est-ce pas ?

— Et moi, chère Jeannette, moi qui suis sa mère, je vois bien ce qui se passe dans le cœur de mon pauvre enfant… Tu ne peux pas comprendre cela, Jeannette : l’un n’est pas fait comme l’autre. Moi-même je ne le saurais peut-être pas, si déjà une fois en ma vie je n’avais vu ce que peut l’amour quand il est contrarié. Barthélemy est nerveux comme son père. Eh bien, croirais-tu, Jeannette, que ton pauvre père défunt, quand il était encore jeune homme, était à l’agonie et avait déjà reçu les saintes huiles, parce que nos parents nous avaient séparés l’un de l’autre et qu’il ne pouvait plus me voir ?

— Ô mon Dieu ! s’écria Jeannette avec anxiété.

Puis, se reprenant sur-le-champ, elle ajouta :