Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/455

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— Mais il en guérit pourtant, n’est-ce pas, ma mère ?

— En effet, il guérit, Jeannette ; mais comment ? Nos parents étaient en querelle à propos de l’usage d’un sentier dans un champ ; ils étaient si fâchés, si en colère tous, qu’ils ne pouvaient se souffrir les uns les autres. Je ne pouvais plus voir défunt ton père ; et lui, qui m’aimait plus que je ne le sais moi-même, il se mit à dépérir jusqu’à se coucher sur le lit de mort. Dieu soit loué ! le curé, pris de pitié pour le pauvre jeune homme, réconcilia nos familles, et je pus visiter mon cher ami mourant. Les larmes me viennent aux yeux quand je songe à ce jour-là… Je ne veux pas en parler… Mais, un mois après, il put aller à l’église avec nos parents pour faire de moi sa femme…

Jeannette fixait sur sa mère des yeux brillants.

— Vois-tu, Jeannette, poursuivit la mère Anne, ton père était un pauvre paysan comme nous le sommes encore ; mais, sois-en sûre, il y avait en lui quelque chose de plus que dans beaucoup d’autres, et il pourrait bien en être de même de notre Barthélemy…

La jeune paysanne secoua la tête d’un air méditatif et fixa sur le sol son regard rêveur.

Après quelques instants, elle se redressa, et prenant la parole,

— C’est singulier, dit-elle, qu’on puisse languir d’amitié pour une personne parce qu’on est nerveux ! Je ne crois guère à cela. Mais notre père défunt était du même état que vous, mère ; de cette façon, cela peut encore arriver. Mais entre Barthélemy et Cécile c’est tout autre chose : cela ne peut jamais bien finir. Et c’est