Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/456

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pourquoi il devrait rejeter bien loin ses sottes idées.

La mère Anne était tombée dans une profonde préoccupation, elle n’écoutait pas ce que disait Jeannette, et ses yeux exprimaient un morne désespoir. Après un court silence, elle reprit en soupirant, comme si elle se parlait à elle-même :

— Il souffre comme un martyr ! Catherine lui a dit hier quelque chose qui a fait briller de joie ses yeux ; mais elle a ajouté aussi autre chose qui lui a fait grincer des dents de colère… Cette nuit, en dormant, il a parlé, pleuré ; hurlé… Je l’ai écouté en tremblant… Ce matin, il est tout abattu, plus pâle encore qu’hier ; ses yeux sont égarés… Hélas ! hélas ! mon pauvre Barthélemy, mon malheureux enfant !…

Au moment où ces derniers mots s’échappaient de sa bouche, et retentissaient dans la chambre comme une plainte déchirante, Barthélemy rentra, un râteau à la main, par la porte de derrière. Frappé de l’accent de la voix de sa mère, il s’arrêta et fixa sur les yeux de la femme en pleurs un regard perçant. Puis il alla lentement à elle, posa ses lèvres sur son front, y laissa tomber deux larmes brûlantes, et dit d’une voix douce et presque inintelligible :

— Pauvre mère chérie ! ah ! pardonnez-moi, je n’y puis rien faire !

Et se retournant la tête penchée et la main devant les yeux, il sortit de la maison.

Sous l’éclatante lumière du soleil, au milieu de l’allégresse universelle de la nature qui l’entourait, Barthélemy ne releva pas la tête. Insensible à tout, il se traînait