Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/457

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dans le sentier, le dos courbé comme un vieillard qui ploie sous le faix des années. On eût même pu croire que, tout en marchant, il cherchait à découvrir quelque chose dans l’herbe.

De temps en temps il s’arrêtait, murmurait à part lui des mots inarticulés, arrachait une feuille à la haie, la broyait dans sa main, et se remettait en chemin tout murmurant, — ou bien il s’arrêtait à contempler d’un œil fixe et distrait les petits animaux qui se poursuivaient joyeusement et folâtraient sur le sol, — ou bien encore il effeuillait une fleur, ou prêtait l’oreille en rêvant à l’appel réciproque des oiseaux.

Ce que lui disait tout cela, peut-être lui-même ne le savait-il pas. Cependant il se sentit extrêmement ému, et tomba dans une profonde rêverie jusqu’à ce que, s’éveillant comme en sursaut, il se remit à suivre le sentier à pas lents.

Soudain, comme si une pensée plus puissante l’eût saisi, il s’arrêta brusquement, et, l’œil fixé vaguement devant lui, il murmura d’une voix pleine de larmes :

— Cécile, depuis hier je sais ce que tu souffres ! Oh ! tu es maltraitée, frappée, torturée ! Tu te consumes de douleur ! Et cependant tu m’aimes encore ! Oh ! comme le chagrin rend lâche et faible ! Plus de courage, plus de force ! J’ai peur, je crains, je ne sais que faire, je m’égare, ma pensée se trouble… je suis malade…

Un triste et ironique sourire contracta son pâle visage.

— Malade ? malade ? s’écria-t-il. Oui, dissimule ainsi ta lâcheté !… Mais si j’avais courage et force, que ferais-je ? La laisser mourir… elle qui m’aime ? Oh ! ce serait