Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/458

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un crime ! Mais… mais quoi donc ? L’assassiner, lui !

À cette idée, il bondit en arrière comme s’il eût aperçu dans l’herbe la gueule béante d’une vipère. Un cri sourd de répulsion et d’horreur s’échappa de son gosier ; il s’écria :

— Oh !… Dieu est là-haut… Mon salut… ma mère ! Non, non, il faut se soumettre, se consumer de chagrin, porter sa croix, la porter jusqu’au cimetière… Hélas ! hélas !

Et il se remit en marche, chancelant, abattu, comprimant son front des deux mains, comme s’il eût craint qu’il n’éclatât.

Tandis que l’infortuné jeune homme, en proie à un affreux désespoir, suivait le sentier ombragé et se rapprochait de plus en plus du vieux couvent, sans qu’il pût toutefois l’apercevoir, il se passait dans la demeure de l’avare une scène plus terrible encore que Barthélemy n’eût osé le soupçonner.

La porte du couvent s’ouvrit. Sur le seuil apparut une jeune fille, pâle et maigre, tenant d’une main un lourd paquet et de l’autre couvrant ses yeux en larmes. Un homme, riant hideusement, la poussa par les épaules jusqu’à deux ou trois pas de la porte.

Là, la jeune fille s’arrêta un instant, comme si elle pouvait difficilement se résoudre à quitter ce lieu. Cependant, sur l’ordre menaçant de l’homme, elle se mit lentement en chemin, et s’avança vers la campagne jusqu’à ce qu’un massif de chênes là dérobât à la vue du couvent.