Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/459

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Elle n’avait pas encore levé la tête, et elle tenait toujours la main sur ses yeux, sans doute pour cacher les larmes qui coulaient sur ses joues.

Soit que la chaleur du soleil et la vive lumière qui l’entourait, soit que les voix de la nature réjouie exerçassent une action sur son système nerveux, elle s’arrêta et laissa tomber sa main. Son regard surpris et charmé s’arrêta sur l’azur profond du ciel qui s’arrondissait en coupole sur sa tête, puis s’égara avec une joie croissante sur toute la création. Un indéfinissable sourire se dessina peu à peu sur son visage, son sein se gonfla, sa tête se dressa sur son cou délicat, ses yeux étincelèrent d’enthousiasme ; elle leva le front vers le ciel et soupira d’une voix basse et profondément émue :

— Libre ! libre !

Et elle étendit les bras comme si elle eût voulu y enfermer l’espace.

Elle demeura quelque temps en extase jusqu’à ce que ses yeux eussent caressé et savouré tout ce qui était à leur portée. Puis elle reprit insensiblement conscience d’elle-même. Sa tête retomba lentement sur sa poitrine, le sourire céda la place à une expression de tristesse : elle fixa son regard sur la terre, et se mit à méditer sur son misérable sort.

Un instant après, elle quitta ce lieu et suivit, rêveuse, le sentier. Soudain, au détour d’un bouquet de verdure, un cri de surprise s’échappa de son sein :

— Barthélemy !

Le jeune homme tout tremblant était devant elle. À cette rencontre inattendue un céleste sourire avait