Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/460

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paru sur le visage de chacun d’eux ; mais en même temps ils se considéraient l’un l’autre avec une expression de tristesse et d’effroi. Tous deux penchèrent la tête sans mot dire et pleurèrent amèrement.

Le jeune homme releva le premier les yeux et dit d’une voix gémissante :

— Cécile, pauvre Cécile, comme vous êtes maigre et pâle !

— Et vous, Barthélemy, je ne vous reconnais plus ! répondit la jeune fille en sanglotant et sans regarder.

— Moi ? dit le jeune homme avec désespoir. Qu’importe ! Mais vous, vous Cécile, la bonté même, vous un ange en ce monde, que vous souffriez ainsi ? Que comme un agneau, sans vous plaindre, vous soyez condamnée à mourir de la main de cet hypocrite scélérat ! Oh ! il y a de quoi se mordre les poings jusqu’au sang. Que Dieu me vienne en aide, ou je brise aujourd’hui la tête de cette bête venimeuse… Mais Cécile, qu’est-ce que ce paquet ? Où allez-vous ?

— On m’a chassée ! répondit la jeune fille en versant de nouvelle larmes.

— Chassée ! s’écria Barthélemy le visage pourpre de colère et d’indignation.

Mais cette première émotion eut bientôt disparu. L’expression de ses traits se changea lentement en celle d’une joie toujours grandissante jusqu’à ce que, comprenant enfin toute la portée de la nouvelle qu’il venait d’apprendre, il s’écria :

— Chassée ? pour toujours ?

— Pour toujours, affirma la jeune fille d’une voix triste.